Le Rif marocain est la première région productrice de haschich du monde. Chaque année, quelque 2800 tonnes sont produites en toute illégalité. Pendant plusieurs mois, les journalistes sont parvenus à infiltrer la filière criminelle qui approvisionne l'Europe en général, l'Hexagone en particulier. Ils en ont suivi toutes les étapes, depuis la récolte dans les champs illégaux, en passant par la fabrication des plaquettes de haschich dans les ateliers clandestins, et finissent par suivre la traversée à haut risque d'une cargaison, entre le Maroc à l'Espagne.
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Jamais journaliste n'avait réussi pareille infiltration dans le royaume des trafiquants de drogue. Jérôme Pierrat, spécialiste du grand banditisme et du crime organisé, s'est immergé pendant des mois dans le « rif » marocain, le paradis du shit. Des milliers et des milliers d'hectares cultivés à l'abri des autorités peu regardantes, dans les montagnes du nord du pays. De trafiquant en trafiquant, d'intermédiaire en intermédiaire, Jérôme Pierrat rend visite à ces cultivateurs de l'ombre et à ces fermes un peu spéciales. Il assiste – et filme, le plus souvent en caméra cachée – à la transformation des têtes de marijuana en résine de cannabis fumée par des millions de consommateurs en France et en Europe. Une fabrication artisanale avec tamis et pilons. De 300 euros à 1 300 euros le kilo pour les meilleures qualités. Une fois la Méditerranée passée, le prix de vente décuple.
Les trafiquants vont directement sur place pour passer commande et s'assurer de la qualité de la marchandise. Les plus gros importateurs ont même le privilège de choisir leur mode de conditionnement, et d'apposer un emblème ou une marque sur la dope : un animal ou des lettres, par exemple. Avec malice, Jérôme Pierrat, qui se fait passer pour un trafiquant cherchant 30 tonnes de cannabis, demande à ce que « C+ » soit inscrit sur ses pains. On aura compris la référence à la célèbre chaîne cryptée sur laquelle est diffusée son enquête. Les vendeurs, eux, ne se doutent de rien et s'exécutent. Les « valises marocaines » en toile de jute sont confectionnées sous nos yeux. Incroyable.
Une fois les fonctionnaires de police corrompus et mille précautions prises, Jérôme Pierrat s'engage, aux côtés des trafiquants, sur une barque de pêcheur avec 1,2 t de cannabis sous ses pieds, avant d'être pris en charge par une « gomme », nom donné à ces bateaux ultra-rapides. S'engage alors une course effrénée vers la côte espagnole, où la Guardia civile déploie ses forces en embuscade pour tenter de stopper le convoi. Un récit rythmé et haletant, résumé d'une phrase par un pilote de go-fast que le journaliste interroge : « On dit toujours : C'est de l'argent facile. Mais ce n'est pas vrai du tout. Ce n'est pas de l'argent facile, c'est de l'argent rapide. »