Les 15 et 16 juillet 2016, une tentative de coup d'État militaire échoue à renverser Recep Tayyip Erdogan dont le pouvoir, déjà très autoritaire, émerge de ce putsch raté à la fois renforcé et endurci. Un épisode de plus dans les cent ans de vertiges chroniques qu'a connus la République turque, depuis sa création sur les ruines de l'Empire ottoman, à l'issue de la Première Guerre mondiale. Un siècle d'une histoire tragique, ponctuée de coups d'État à répétition, et marquée par le génocide des Arméniens en 1915, suivi de persécutions de même nature contre les populations grecques en 1923, puis kurdes et alévies dès 1928, et la tentation permanente d'éliminer toute contestation. Tyrans en miroir Remarquablement écrit, ce film décrypte la construction d'une nation en croisant les destins de ses deux dirigeants les plus populaires, Mustafa Kemal, dit "Atatürk", le "père des Turcs", et Recep Tayyip Erdogan, le "refondateur". Kemal, premier président de la République de 1923 à sa mort en 1938, fut un général révolutionnaire, puis un "despote éclairé", laïc et d'inclination occidentale. Le fondateur de l'AKP, au pouvoir depuis 2003, s'affirme comme un réactionnaire, nouveau sultan islamiste se tournant vers l'Orient, et promoteur d'un essor international retrouvé. Opposés en apparence, ils partagent en réalité, comme le montre ce documentaire, le même rêve de puissance pour leur pays, la République turque. Au prix du sacrifice des "ennemis intérieurs" – les autres peuples et religions, les opposants –, les deux potentats furent portés par la même idéologie : le mythe de la nation unie. Aujourd'hui, Erdogan aimerait apparaître comme l'Atatürk sunnite, en réunificateur du monde musulman... Ce film vérité, nourri d'archives inédites, éclaire la face cachée de la Turquie et la crise géopolitique actuelle en donnant la parole à des intellectuels turcs (journalistes, auteurs, historiens…) qui n'ont pas renoncé aux chemins de la liberté.