Au printemps 1944, le témoignage de deux évadés juifs sur l’extermination en cours à Auschwitz parvient aux Alliés. Ce film retrace la trajectoire du document et les débats, persistants, suscités par le projet de bombardement du camp.
Le 10 avril 1944, Rudolf Vrba et Alfred Wetzler réussissent à s'échapper du camp d'Auschwitz-Birkenau. Parvenus à Zilina, en Slovaquie, ils entrent en contact avec les responsables du Conseil juif et, interrogés séparément, décrivent avec une abondance de détails la machine d'extermination nazie. Leurs témoignages sont consignés dans le "rapport Vrba-Wetzler" ou "protocole d'Auschwitz". Par la diffusion de ce document, les deux hommes espèrent empêcher l'anéantissement, imminent, de 800 000 membres de la communauté juive de Hongrie. Après avoir transité par le rabbin Michael Weissmandl, qui y a joint un appel à bombarder le camp, le rapport parvient en Suisse à Roswell McClelland, le représentant du War Refugee Board, un organisme créé par Roosevelt. Celui-ci transmet en urgence à Washington une version résumée, à laquelle auront accès les leaders des principales organisations juives, mais aussi Winston Churchill et son ministre des Affaires étrangères, Anthony Eden. Alors que tous deux sont favorables au bombardement, des doutes sur la faisabilité technique d'une telle opération émergent. En cette phase cruciale du conflit, les Alliés, qui viennent de débarquer en Normandie, choisissent finalement de concentrer leurs forces sur le champ de bataille. Il faudra attendre le 27 janvier 1945 pour que les troupes soviétiques libèrent le camp, où 1,1 million de déportés ont été exterminés.
Faillite morale ?
Entre le 15 mai et le 9 juillet 1944, plus de 5 000 juifs hongrois en moyenne ont péri quotidiennement dans les chambres à gaz. Fallait-il bombarder Auschwitz, au risque de sacrifier les survivants ? Croisant reconstitutions, archives et éclairages d’historiens et de rescapés hongrois, ce documentaire suit la trajectoire tortueuse du rapport Vrba-Wetzler, premier témoignage de l’intérieur de l’indicible horreur du génocide, et retrace les tractations qu'il a engendrées, sur fond de dilemme moral, de stratégie militaire et d’antisémitisme larvé.