Anonymes nous le sommes pour eux. Invisibles ils le sont pour nous. Aveugles, nous le sommes apparemment tous. Telle pourrait être la devise de ce film humain et percutant qui nous renvoie un miroir implacable de nos comportements.Pour la première fois, les éboueurs de la Fonctionnelle, unité de choc inconnue du grand public et pourtant unique au monde, chargée de tous les évènements prévus et imprévus de la capitale, ont accepté d’être filmés sur plusieurs mois. Avec ce documentaire poignant qui met en lumière ces hommes de l’ombre, Mireille Dumas revient au cœur de son métier de journaliste et de réalisatrice.
Ce documentaire est une plongée comme on n’en a jamais vu dans la vie quotidienne des éboueurs, sans qui les villes ne seraient qu’un tas d’immondices. (Uniquement à Paris, 3000 tonnes de déchets sont charriés chaque jour.)
Le film qui suit trois équipes se relayant jour et nuit nous dévoile l’étendue de leur tâche, inimaginable. Car Jérôme, Jean Paul, Aïcha, Vincent et les autres, ne sont pas simplement ces agents en vert et gilet jaune qui collectent les ordures ménagères et balaient les rues.
Ils appartiennent à cette brigade d’intervention, la Fonctionnelle, chargée des missions difficiles et exceptionnelles de la capitale, 24 heures sur 24. Les éboueurs remettent en état les parcours des manifestations comme celles du 1er mai ou de la marche des Fiertés, nettoient les rues et les berges après la Fête de la Musique, décapent les graffitis sur le périphérique la nuit. « C’est Tchernobyl, comme toujours ! » lance, résigné, l’un d’entre eux, découvrant au petit jour, les quais de Seine jonchés à perte de vue de bouteilles et de détritus.
On assiste incrédule à ce spectacle désolant, symptomatique d’un manque de civisme apparemment très français. On a honte. Et on partage leur colère face au gaspillage alimentaire sur les grands marchés qu’ils déblayent.
Sans oublier les missions les plus délicates humainement qui leur sont confiées, « une épreuve, même si on s’habitue ». Des séquences qui nous surprennent et nous bouleversent : l’entretien ou la destruction des campements de migrants après évacuation par les forces de l’ordre, et des squats de SDF dans les souterrains des Halles.
Au-delà de la découverte du métier et de son évolution, le film nous fait partager de vrais moments d’intimité. Avec franchise, lucidité et humour parfois, celles et ceux qui viennent de la France entière et se qualifient d’invisibles malgré leur gilet jaune, racontent leurs rêves et leurs désillusions, la fierté du travail accompli en dépit de l’ingratitude et de l’irrespect, l’incidence sur leur vie affective