Une armada de vaisseaux néo-chrétiens voyage à travers le cosmos en direction de Néo-Jérusalem, une exoplanète habitable. Or afin de régénérer leurs ressources et procéder à quelques maintenances sur leurs gigantesques croiseurs, ils doivent faire une étape de plusieurs mois sur la colonie implantée sur Neïta, Nazareth Prime. L’inquisiteur Evangelisti dirige l’approche finale, lorsqu’un de ses navigateurs le prévient d’une donnée stupéfiante : le dernier scan indique qu’il n’y a plus personne de vivant sur Nazareth Prime, parmi les 3000 colons normalement sur place ! Evangelisti craint une épidémie et stoppe immédiatement la procédure d’atterrissage. La vie de près d’un million de néo-chrétiens à bord de l’armada est entre ses mains. Afin d’analyser les causes de la tragédie, il décide de se rendre sur place à bord d’un petit transporteur militaire, en compagnie d’une poignée de gardes et de sa fille adoptive Sarah, scientifique et analyste érudite. Ils atteignent sans problème le petit astroport et découvrent une base effectivement vide, où tout a pourtant l’air de continuer à fonctionner normalement. En interrogeant les archives de l’ordinateur central, ils accèdent aux derniers témoignages des hauts-moines. Ces derniers disent avoir fait une découverte incroyable dans les tréfonds d’une mine. Une sphère, une vie intelligente s’est présentée à eux en leur disant qu’elle était… Dieu ! Evangelisti est intrigué, sa fille Sarah plus cartésienne est plus que dubitative… Soudain, un écho révèle une présence dans le hangar. Un garde aperçoit une fillette courir…
Pour le huitième tome de ses Conquêtes spatiales indépendantes, le scénariste et directeur de collection Jean-Luc Istin satisfait à un classique de la science-fiction, voire du récit d’aventures en général : la planète piège gouvernée par une entité supérieure. En effet, déjà au cours de sa mythologique Odyssée, le Ulysse d’Homère n’avait de cesse de se retrouver englué par des forces ésotériques qui le dépassaient. Nos héros colonisateurs galactiques et néanmoins mus par une vocation religieuse, débarquent ainsi au sein d’une base où les précédents colons ont tous été éradiqués par une mystérieuse… créature ? Epidémie ? Divinité ? A moins qu’ils soient en réalité toujours vivants et qu’ils aient accédé à une nouvelle condition spirituelle en présence de… Dieu ? Oui oui, Dieu en personne, tel que se définit la sphère intelligente qui accueille le binôme de héros, un commandant inquisiteur et sa fille informaticienne. Ce couple, qui allie la passion religieuse et la raison scientifique, est à la fois improbable et intéressant. Car c’est à l’aune de leurs déductions concurrentes et complémentaires sur la situation, sur l’entité belle et bien matérielle avec laquelle ils doivent composer, que se préservera (ou pas) l’intégrité de leur armada humaine. On ressent diverses inspirations dans le scénario d’Istin (d’Alien 2 à Solaris, en passant par La nuit des temps de Barjavel), qui s’avère néanmoins original, parfaitement narré, découpé et accrocheur. Une petite réflexion de fond émerge également, malheureusement pas assez creusée, sur la dualité infernale entre science et religion. L’ensemble est dessiné par l’albano-italien Erion Campanella Avdisha, qu’on a notamment déjà vu à l’œuvre sur la série Troie (mais aussi Médicis et Androïdes). Détaillée, besognée, sa griffe certes un tantinet académique s’inscrit au sein d’un découpage serré, pour une belle densité d’aventures (en 63 planches). Juste dans les expressions, les proportions, les cadrages et les perspectives, elle a juste un peu trop tendance à favoriser les gros plans sur les personnages au détriment des décors et arrière-plans, qu’on aurait aimé plus fournis.
