D’extraits de concerts en vigoureuses prises de parole, de la guerre du Viêtnam aux ravages des sables bitumineux, portrait de Neil Young, un monument du rock qui a fait de ses indignations le moteur de sa création.
"N’ai-je pas toujours écrit et chanté sur ce qui me concernait ?" S’il a cultivé la solitude au point d’être surnommé le "Loner", en référence à l’un de ses titres, Neil Young n’en est pas moins resté à l’écoute des battements du monde. Guidé par une empathie héritée de sa mère et doté d’une plume poétique forgée au contact de son père écrivain, le Canadien, qui a trouvé dans la musique un remède aux atteintes de la polio, prend la route en 1966 en héros steinbeckien et s’arrête à Los Angeles, capitale de l’industrie musicale et futur paradis hippie. Avec les groupes Buffalo Springfield puis Crosby, Stills, Nash & Young, il offre des hymnes de ralliement ("For What It’s Worth", "Ohio") à la jeunesse contestataire, vent debout contre le conflit au Viêtnam et les violences policières, avant de poursuivre son chemin en solo. Retiré à "Broken Arrow", son ranch californie où il enregistre son album du même nom sorti en 1996, le colosse sensible organise des événements caritatifs pour soutenir les paysans sacrifiés sur l’autel du capitalisme ou améliorer la prise en charge des enfants atteints de handicap mental – ses deux fils étant eux-mêmes touchés. Tout en composant des albums-manifestes au fil de ses colères successives, de la guerre en Irak aux OGM de Monsanto, Neil Young laisse libre cours à son goût de l’expérimentation "pour faire la différence autrement" : concepteur d’un lecteur audio numérique haut de gamme qui a fait un flop, il a aussi mis sur pied un prototype révolutionnaire de voiture électrique. À l’automne 2014, c’est au volant de sa Lincoln Continental désormais neutre en carbone qu’il a sillonné la route de sa jeunesse en sens inverse, pour défendre les peuples autochtones du Canada menacés par l’extraction des sables bitumineux.
Homme de convictions
Parcourant cinquante ans d’archives, de live mémorables en puissantes prises de position, ce documentaire brosse le portrait d’un géant de la musique peu effrayé par la polémique, qui a fait de son art un combat permanent – politique, écologique, pacifiste. Sans éluder ses contradictions (son soutien au nucléaire et à la politique militaire de Ronald Reagan, par exemple), le documentaire rend ainsi hommage à ce héros tempétueux de l’Amérique (dont il a acquis la nationalité), chef d’entreprise et activiste, qui a encore fait parler de lui récemment en retirant son catalogue de la plate-forme de streaming Spotify, accusée de favoriser la désinformation sur le Covid-19 à travers la diffusion de podcasts antivax.