Comment se construire lorsqu'on s'appelle Fonda, membre d'une dynastie d'acteurs ? Voici les trajectoires croisées et contrariées d'Henry, star mythique d'Hollywood, et celles de ses enfants, Jane et Peter.
L'acteur Henry Fonda menait une double carrière à Hollywood et à Broadway qui le tenait éloigné des siens. Fasciné par ce père absent et mutique, qui ne les a jamais incités à faire du cinéma, ses enfants Jane et Peter ont suivi ses traces. Ils l'ont observé dans ses films, seul espace où Henry, corseté par une éducation protestante rigide, exprimait des sentiments, dissimulé derrière un personnage. "Il nous a permis de voir à l'intérieur de lui-même, ce qui était impossible en dehors de l'écran", commente Peter Fonda. Lors du suicide de la mère des enfants, atteinte de troubles bipolaires, Henry, incapable de leur en parler, invoque une crise cardiaque, un mensonge qui laissera des traces. Formée à l'Actors Studio, Jane enchaîne, dans les années 1960, des comédies légères, où elle surjoue. Avec l'arrivée du Nouvel Hollywood, elle trouve des rôles avec plus d'épaisseur, et gagne en sobriété, se rapprochant du style paternel. Dans Klute d'Alan J. Pakula, elle interprète une call-girl magnétique, qui lui vaut un Oscar. Peter, lui, devient une star avec Easy Rider, road-movie psychédélique où il semble revisiter l'Ouest américain que son père hantait dans les westerns de John Ford.
Réconciliation sur grand écran
Acteur des Raisins de la colère, Henry Fonda a transmis à ses enfants une conscience sociale, ce qui n'empêche pas les clivages politiques. Pendant que le père soutient le moral des soldats américains, la fille, de toutes les luttes progressistes, porte secours aux Nord-Vietnamiens. Mais elle produit en 1981 La maison du lac, offrant à son paternel la possibilité d'une réconciliation sur grand écran. Constitué d'interviews et d'archives, ce documentaire émouvant retrace les trajectoires de cette famille aux rapports tourmentés, qui a souvent communiqué par écrans interposés. De nombreux extraits de films mettent l'accent sur les divergences et similitudes entre les trois acteurs. Il montre ainsi la filiation artistique reliant, malgré les divergences, Jane, Peter et leur père, dont le jeu épuré, pimenté d'une troublante intériorité, continue d'impressionner.