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Notre monde est-il réel ? En 1999, les Wachowski – aujourd'hui Lana et Lilly – transforment cette question existentielle en objet de fiction avec Matrix, le premier épisode d'une tétralogie dans laquelle le monde ne serait qu'une illusion créée par les machines pour asservir l'espèce humaine. Repoussant les limites techniques du cinéma d'action, malgré son budget limité, cette œuvre avant-gardiste ouvre l'ère du "blockbuster intello", qui impressionne autant qu'il donne à réfléchir. Du cyberpunk à l'anime japonaise en passant par le cinéma hongkongais ou les comics, ce film aux inspirations diverses et aux sonorités rock, qui connaît un succès critique et commercial immédiat, devient une référence absolue de la culture populaire. À tel point que son message progressiste a été détourné par l'extrême droite et les mouvements complotistes.

Humanisme trans
Lorsque Ivanka Trump répond positivement à l'injonction "Prenez la pilule rouge", lancée par Elon Musk sur Twitter, Lilly Wachowski sort du silence et décide d'ajouter un quatrième volet à la saga afin de rétablir la vérité sur le message qu'elle véhicule. Loin des élucubrations de la fachosphère, qui voudrait en faire un éloge du masculinisme et de la postvérité, la cinéaste transgenre réaffirme, avec ses héros Neo et Trinity (Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss), la puissance de l'amour dans le combat pour l'émancipation et fait définitivement de Matrix une invitation à s'affranchir des assignations identitaires et des rapports de domination. Un humanisme trans bien plus qu'une rêverie transhumaniste, comme le laisserait penser une lecture simpliste du premier volet. À travers ce retour sur la saga phénomène, Benjamin Clavel radiographie la "génération Matrix" : celle des débuts d'Internet, avec son utopie libertaire, de l'altermondialisme, mais aussi de la société de contrôle, des manipulations des grandes puissances étatiques et du complotisme.